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Souveraineté des données et conformité réglementaire

Écrit par Gaspar Palmer le 12 septembre 2025

Ces dernières années, l’Europe a clairement indiqué vouloir bâtir son autonomie numérique sur deux piliers indissociables : la souveraineté des données et la conformité réglementaire. Il ne s’agit plus de concepts théoriques, mais de priorités stratégiques qui impactent directement la compétitivité des entreprises de toutes tailles. Avec l’entrée en vigueur de l’AI Act, la révision du règlement eIDAS 2.0 et l’obligation imminente de la facturation électronique B2B en Espagne, les entreprises doivent apprendre à innover dans leurs processus sans perdre de vue le contrôle des informations qu’elles traitent.

De l’aspiration à l’obligation : la souveraineté des données en Europe

Longtemps perçue comme un idéal politique lié à l’indépendance technologique de l’Europe vis-à-vis des États-Unis et de la Chine, la souveraineté des données se traduit aujourd’hui par des exigences opérationnelles très concrètes : localisation des données dans des juridictions européennes, maîtrise du cycle de vie de l’information et traçabilité complète.

Selon un rapport récent de la Commission européenne, plus de 80 % des entreprises européennes estiment que la souveraineté numérique sera déterminante pour leur compétitivité au cours des cinq prochaines années. Il ne suffit plus de stocker l’information : il faut la gouverner, la protéger et pouvoir le démontrer à des tiers.

AI Act : la traçabilité comme licence pour innover

Adopté en 2024, l’AI Act marque un tournant. Il impose aux entreprises qui utilisent l’intelligence artificielle de documenter, auditer et garantir la qualité des données d’entraînement, en particulier dans les secteurs à risque comme la santé, le transport, la finance ou l’administration publique. Les modèles d’IA doivent ainsi être non seulement innovants, mais aussi explicables et conformes à la réglementation.

Comme l’a souligné Satya Nadella, PDG de Microsoft, lors du dernier Forum économique mondial de Davos : « La confiance devient la licence pour opérer à l’ère de l’IA. » La confiance ne s’improvise pas : elle se construit au moyen de processus de traçabilité et de transparence qui permettent aux régulateurs, clients et partenaires de savoir d’où viennent les données et comment elles sont utilisées.

eIDAS 2.0 : identité numérique et confiance transfrontalière

La mise à jour du règlement eIDAS 2.0 introduit le Portefeuille européen d’identité numérique (EUDI Wallet), qui permettra aux citoyens et aux entreprises de s’authentifier et de signer des documents électroniques dans n’importe quel État membre avec pleine valeur juridique. Pour le tissu économique, c’est un saut d’efficacité, mais aussi un niveau d’exigence plus élevé : chaque transaction numérique devra être vérifiable et auditable.

La Commission européenne estime que cette mesure pourrait faire économiser aux entreprises et aux citoyens plus de 11 milliards d’euros par an en coûts administratifs, grâce à des processus numériques plus sûrs et standardisés.

Facturation électronique B2B en Espagne : du respect des règles à l’efficacité

Le cas le plus immédiat est la facturation électronique obligatoire entre entreprises en Espagne, qui sera déployée progressivement à partir de 2025. Son objectif est de réduire les retards de paiement et d’accroître la transparence fiscale, mais sa portée est plus large : elle obligera des milliers de PME à numériser des processus encore dépendants du papier ou de systèmes fragmentés.

La Banque d’Espagne estime que les retards de paiement entre entreprises pèsent à hauteur de plus de 1,3 % du PIB. La numérisation et la traçabilité qu’apporte la e-facturation ne répondent pas seulement à une obligation légale : elles deviennent un levier direct de productivité et de liquidité.

La conformité comme avantage compétitif

Ce qui unit ces trois cadres (AI Act, eIDAS 2.0 et e-facturation), c’est qu’ils transforment la conformité en facilitateur stratégique. Ceux qui l’abordent de façon réactive la vivront comme une charge ; ceux qui l’anticipent et l’intègrent à leur modèle de gestion en feront un avantage compétitif.

Dans ce contexte, l’innovation ne peut plus avancer en dehors des règles. Parallèlement, la conformité cesse d’être un « coût irrécupérable » pour devenir une garantie de résilience : des processus plus transparents, des décisions fondées sur des preuves et des clients convaincus que leurs données sont protégées.

Le véritable débat : contrôle ou dépendance

La question centrale n’est pas de savoir si les entreprises doivent se conformer, mais quel modèle de souveraineté elles souhaitent adopter. Les organisations qui délèguent totalement la gestion de leurs informations à des fournisseurs sans contrôle réel de la juridiction, de la custodie ou de l’interopérabilité risquent de perdre leur autonomie stratégique. À l’inverse, celles qui conçoivent des processus de gestion documentaire alignés sur la réglementation européenne assurent un cadre de confiance durable.

Avec son tissu de PME et d’ETI, l’Europe ne peut pas rivaliser uniquement sur le prix ou la taille face aux géants mondiaux. Son avantage compétitif réside dans le fait de faire de la conformité un signe distinctif — la garantie que le business y est mené avec sécurité, transparence et responsabilité.

Comme l’a déclaré la commissaire européenne Margrethe Vestager : « Si l’Europe veut montrer la voie, elle doit prouver que l’innovation et la protection des droits fondamentaux peuvent aller de pair. » Tel est le véritable défi : démontrer qu’il n’y a aucune contradiction entre innover et protéger, mais au contraire un cercle vertueux qui renforce la confiance dans le marché numérique européen.

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